La notion de compensation écologique des impacts des projets sur les milieux date des années 1970 (convention RAMSAR sur les zones humides), puis a été introduite en droit français en 1976 (notion reprise dans la Loi relative à la protection de la nature de 1976). Plus récemment, la loi biodiversité de 2016 a modifié le code de l’environnement (articles L163-1 à L163-5) qui fixe désormais les modalités de compensation. Ces mesures de compensation n’interviennent que lorsque l’évitement et la réduction des impacts liés aux aménagements n’ont pu être préalablement mis en œuvre. La compensation ne peut être d’ordre financière, elle doit nécessairement se matérialiser par des mesures en « nature ». De plus, la localisation de ces actions concrètes et matérielles est un élément majeur à considérer. En effet, la compensation doit avoir lieu à proximité du site qui a subi les dommages écologiques et en continuité écologique avec de dernier.
Ainsi, si à l’emplacement des dommages, aucune autre solution technique n’a pu être mise en œuvre, la réussite d’un projet de compensation dépendra de la capacité à trouver, aménager et protéger de nouveaux terrains de manière durable. Dans ce cas, afin de répondre aux exigences législatives, il s’agira de re(créer) un site au moins équivalent en termes de biodiversité.
Il existe deux modes de compensation, par l’offre et la demande. Ces deux méthodes présentent toutes deux des avantages et font aussi l’objet de critiques. Cet article en propose une description.
La compensation par l’offre
La compensation par l’offre consacre en droit français ce qui existait depuis 1982 aux Etats-Unis (mitigation banks pour les zones humides et conservation banks pour les espèces protégées), en Australie depuis 2002 (Bush broker permettant de compenser le défrichement) ou plus près de nous en Allemagne avec les Flächenpools (pools fonciers) permettant de créer des réserves foncières associés à des Ökokontos (comptes écologiques) gérés par des institutions ad-hoc.
En France, il s’agit de réaliser en amont de tout projet des actions de renaturation de site dégradé pour ensuite, après validation par les services de l’Etat, pouvoir les mettre sur le marché de la compensation.
A l’instar de la taxe carbone, les critiques de ce système se sont vite faites entendre pour mettre en garde contre la financiarisation de la nature et la création d’un « droit à détruire », permettant l’artificialisation des sols dès lors que le projet reste rentable avec le coût d’achat des unités de compensation. Des reproches plus techniques décrient le manque d’adéquation entre les habitats détruits et ceux qui sont achetés d’une part, l’éloignement entre les zones impactées et celles ayant fait l’objet de la renaturation d’autre part.
La compensation par la demande
L’autre solution offerte par la loi de 2016 pour compenser est la compensation dite par la demande. Elle consiste à prospecter autour de la zone impactée aux fins de déceler des sites dégradés susceptibles d’accueillir les mesures compensatoires préalablement définies, puis à contractualiser avec les titulaires de droit les autorisations permettant l’implantation et le suivi sur le long terme de ces actions.
C’est le mode de résolution des obligations de réparation le plus couramment employé. Il s’appuie en effet à la fois sur des réseaux d’institution et de prestataires déjà en place (SAFER, experts fonciers et agricoles, bureaux d’études) mais également, lorsque le maître d’ouvrage est public, en partie sur du foncier en réserve.
Cependant, là encore, des inconvénients et des dérives existent.
Les maîtres d’ouvrage public notamment, qui ont la faculté de pouvoir inscrire certains de leurs projets d’aménagement dans une procédure d’utilité publique ouvrant droit à l’expropriation, sont tentés d’élargir le périmètre d’emprise de leur opération afin d’inclure dans celui-ci une surface non directement concernée par le projet mais destinée à supporter les mesures compensatoires. Cette orientation, déjà publiquement exprimée, promet d’ouvrir des contentieux (cf CE26.01.2011 déviation de Maisse).
Pour autant, elle n’est que le prolongement de la logique de la « double peine » qu’instituent indirectement le principe de réparation des atteintes à la biodiversité ; les propriétaires et exploitants agricoles, principales cibles foncières de l’artificialisation des sols, ponctionnés premièrement pour la réalisation d’un ouvrage, se trouvent à nouveau sollicités pour l’implantation des mesures de compensation écologique.
La biodiversité participative, la troisième solution de compensation ?
On note pourtant une initiative récente d’experts fonciers et agricoles palliant ces écueils et s’appuyant sur une démarche dite de biodiversité participative. Partant du principe que la majorité des projets d’aménagement se situe en zone péri-urbaine, ils ont identifié, à l’interface entre l’urbanisation et les espaces agricoles, le maillage lâche de terrains de propriété privée, non exploité, que l’on pourrait qualifier de « grands jardins ». Ces zones, entretenues souvent à la hussarde de par leur surface importante pour un particulier (tonte ou broyage), ne servent pas à la culture vivrière et sont la propriété de personnes trouvant un intérêt à recevoir un aménagement gracieusement entretenu, valorisant leur fonds et leur permettant de contribuer à regénérer la biodiversité. Cette nouvelle méthode est en cours de déploiement sur le territoire ; sa réussite dépendra de l’engagement des particuliers à mettre à disposition un bien privé pour contribuer à une action collective d’intérêt général.